Nicolas Coltice, enseignant-chercheur en géologie à Lyon 1, a obtenu, en novembre 2013, un financement ERC (European Research Council) pour son projet de recherche. Ce jeune chercheur nous explique qui il est, l’objet de sa recherche et son aventure "ERC" qui ne fait que commencer…
Pouvez-vous nous parler de votre parcours
Je suis enseignant-chercheur à Lyon 1, rattaché à l’
Observatoire des Sciences de l’Univers et au
Laboratoire de Géologie, Terre, planètes et environnement. J’ai été étudiant en DEUG de Maths à Lyon 1. Je savais que je voulais faire de la Géologie, j’ai donc ensuite suivi de 1995 à 1998 le Magister de Sciences de la Terre Rh?ne-Alpes, puis j’ai fini sur un DEA. J’ai mené ma Thèse en deux ans et demi à l’ENS pour finir par un Post-Doc d’un an et demi à Princeton.
En 2003, je suis rentré à Lyon 1 en tant que Ma?tre de Conférences. En 2004, avec une collègue, nous nous sommes tout particulièrement engagés dans la responsabilité de la coordination de la première année de Licence Sciences de la Terre. Notre objectif était d’améliorer l’environnement de travail des étudiants et des équipes pédagogiques, et SPIRAL a été un outil très important pour réussir. Entre 2007 et 2010, j’ai dirigé le service ICAP, qui s’appelait PRACTICE à l’époque. J’ai pu réaliser avec mes collègues la fusion de PRACTICE et du SUP pour donner naissance à ICAP. ?a a été une belle aventure professionnelle et humaine.
En 2010, j’ai fait le choix de me recentrer sur ma recherche et dès 2011, j’ai réussi à être Lauréat Junior pour une durée de 5 ans à l’IUF. Je suis devenu Professeur des Universités en 2012. Avec le temps dont je disposais pour ma recherche, je me suis beaucoup investi dans un projet qui m’a amené à présenter une proposition à l’ERC. De fa?on générale dans mon métier, j’ai toujours fait des choses qui correspondaient à mes valeurs et à mes convictions. Je crois beaucoup à l’enseignement et à l’Université. Je m’engage toujours dans ce que je fais, c’est ma fa?on d’avancer.
Quel est l’objet de votre recherche ?
Je travaille essentiellement sur l’évolution de la Terre interne, le noyau, le manteau, la cro?te, car il y a un grand nombre de phénomènes sur Terre (le climat, la forme de la terre, les catastrophes naturelles) en lien avec cette évolution intérieure de la planète. C’est aussi notre histoire que l’on cherche à reconstruire. Dans mon parcours, j’ai travaillé sur la Terre primitive, sur la physique des mouvements dans le manteau, sur l’environnement très ancien (comme le niveau marin ou la formation des reliefs), autant de domaines différents mais toujours en lien avec cette dynamique interne de la planète.
En 2012, avec de collègues de Zurich, nous avons produit pour la première fois des modèles de dynamique du manteau qui produisent une tectonique similaire à celle de la Terre.
On a besoin de prédictions, de reconstituer ce qui s’est passé sur Terre. On le fera de toute manière, avec les techniques existantes. Il existe des méthodes dites ? d’assimilation de données ? ou l’on croise deux types d’informations : les observations et la physique des phénomènes. C’est le meilleur compromis pour reconstituer l’état d’un système. La Tectonique des plaques, est une bonne théorie, mais qui ne va pas loin dans le temps et ne traite que de la surface. La méthode que je souhaite mettre en place participera à aller plus loin dans le temps et reconstruire aussi l’intérieur. C’est ce projet que j’ai présenté en 2013 à l’ERC.
A lire sur Sciences pour tous : Sous les pavés la TerrePouvez-vous nous parler de votre expérience ERC et nous dire que vous pensez du dispositif ?
J’ai déposé mon dossier en février 2013, une première sélection a eu lieu en juillet, puis il y a eu une audition à Bruxelles et en novembre, j’ai eu la réponse positive de mon financement ERC sur 5 ans.
Au départ, nous étions 3600 candidats et à l’arrivée, nous sommes 312 personnes sélectionnées.
Je souhaite utiliser ce financement pour mettre en place une méthode d’assimilation de données qui va combiner notre modèle de dynamique du manteau et des données géologiques. Le but étant de reconstituer l’évolution de l’intérieur de la Terre et de la surface.
J’ai énormément de chance de vivre cette aventure ? ERC ? car c’est le seul financement qui puisse me permettre d’arriver à réaliser ce projet de recherche qui me tient à c?ur. L’ERC est un financement unique au monde car il se focalise sur un projet et une personne, et met à disposition de grands moyens. Cela permet de prendre des risques, entreprendre, innover. Explorer demande du courage et l’ERC pousse à cela.
Mais c’est aussi un système qui peut générer beaucoup de pression : pression de succès du chercheur, pression sur l’Etablissement et pression sur le laboratoire. En effet ces structures ne sont pas forcément préparées à absorber la vitesse de travail demandée par l’ERC et les co?ts de fonctionnement générés par celui-ci. Ma réponse face à cela est que la pression est uniquement celle que l’on se met. Pour ma part, j’envisage ce projet de manière collective, en prenant en compte les limites et les contraintes du système dans lequel je suis. Je ne souhaite en aucun cas être inutilement sous pression ou transmettre un stress stérile à mes collaborateurs. Je souhaite mener ce projet dans le respect et l’écoute pour trouver la meilleure manière de pouvoir avancer.
Car il faut bien le dire, le risque pour un chercheur, lors de l’obtention d’un ERC est de s’enfermer dans une bulle de ? toute puissance ?. Ce que je retiens pour l’instant de ce début d’aventure c’est que la préparation du dossier a déjà été une formidable étape pour moi. J’ai travaillé avec beaucoup de gens, écouté les critiques pour améliorer mon travail. En conséquence j’ai une meilleure vision des choses, plus claire et plus large. Cela m’a beaucoup apporté car je suis convaincu d’une chose, c’est que, tout seul, on ne peut pas réussir.
Le Conseil Européen de la Recherche (ERC) a pour mission de favoriser la recherche de haute qualité en Europe.
Projets de recherche financés par la Commission européenne (ERC) à Lyon 1