COVIDAir : détecter la Covid-19 dans le souffle
Une étude clinique menée par des chercheurs de l'IRCELYON, l'ISA et du CIRI évalue un dispositif de détection de la Covid-19 à partir de l'air expiré. Ce nouveau moyen de dépistage pourrait ouvrir de nouvelles perspectives prometteuses dans le diagnostic médical.
Disposer d’une méthode de diagnostic fiable mais également rapide, c’est l’objectif du projet mené par des équipes de l'Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon (IRCELYON)1 et l'institut des sciences analytiques (ISA)2, en colla?boration avec les services hospitaliers de la Croix-Rousse. Leur stratégie : mettre au point un outil pour détecter la Covid-19 dans le souffle.
Cette collaboration est née sur la base d’une vision scientifique commune développée depuis plusieurs années par les chercheurs dans le cadre d’une étude sur l’impact des nano-particules sur la santé. Les travaux des cher?cheurs visent à réaliser le suivi des composés orga?niques volatils (COV) dans l’air ambient – de petites particules en suspension dans l’air. Ainsi nait le projet d’identifier en particulier des bio-traceurs de pathologies pulmonaires, comme le SARS-CoV-2. En effet, les COV exhalés sont une emprunte directe du métabolisme humain, et par conséquent, peuvent indiquer un état physiopathologique de l’organisme et révéler la présence d’une pathologie.
Un spectromètre nouvelle génération
En raison de sa simplicité, de sa réponse immédiate et de sa nature non-invasive, l’analyse de l’air expiré appara?t comme un domaine extrêmement promet?teur pour le diagnostic précoce ou la surveillance de nombreuses maladies. Mais identifier des par?ticules précises parmi les nombreuses molécules que contient notre souffle n’est pas chose aisée. Une barrière levée par les chercheurs d’IRCELYON gr?ce à l’utilisation d’une nouvelle génération de spectro?mètres de masse.
Les chercheurs lyonnais disposent d’une toute nou?velle génération de spectromètre de masse à ionisa?tion chimique (Vocus PTR-TOF, TOFWERK, Suisse), développé pour la détection, en temps réel, de COV à l’état de traces aussi bien en milieu industriel, en laboratoire ou directement dans l’environnement. Cette nouvelle technologie, issue de la recherche dans le domaine environnemental, présente de nom?breux avantages afin de relever les défis analytiques liés à l’identification et la quantification des métabo?lites liés au SARS-CoV-2.
Ces appareils sont donc capables d’identifier des molécules précises dans des milieux complexes avec une très grande précision et avec une grande fiabi?lité, favorisant la caractérisation de l’air expiré d’une grande variété de malades. Une acquisition à Ircelyon rendue possible gr?ce au soutien de la région Au?vergne-Rh?ne Alpes et de l’?tat. Cette réactivité au plus fort de la première vague a permis aux chercheurs de mettre en place rapidement des so?lutions en matière de diagnostic médical dans un contexte de crise sanitaire.
? Matthieu RIVA/IRCELYON
L’analyse des données, de la complexité à la simplicité
Une fois les données collectées, encore faut-il les traiter et les ordonner pour aboutir à un diagnos?tic simple et reproductible. C’est tout le travail des chercheurs à l’ISA spécialistes en techniques d’analyses de données appliquées à la santé et à l’environnement.
Cette étape de traitement de données repose sur des outils issus de la chimiométrie. S’appuyant sur les mathématiques et les statistiques, les chercheurs extraient des informations des don?nées chimiques complexes. De l’analyse de l’air par spectrométrie de masse, il en résulte un ? spectre de masse ?, représentant l’ensemble des molécules et ions détectés. Le souffle expiré, tra?duit sous la forme d’un spectre de masse, contient des milliers d’informations.
A partir de ce spectre d’informations complexes, le travail des chimistes consiste à réaliser un traitement des données pour aboutir à un diagnostic simple de la maladie : positif ou négatif à la Covid-19.
? Eric Le Roux/Direction de la communication de Lyon 1
De la preuve de concept aux tests à grande échelle
Les premiers résultats obtenus sont très prometteurs. Le dispositif a démontré sa grande fiabilité chez les patients hospitalisés dans les services de l’h?pital de la Croix Rousse de Lyon.
Maintenant, pour réellement pouvoir comparer cette méthode avec les outils de diagnostic actuellement utilisés, les chercheurs ont besoin de collecter des données à plus grande échelle. C’est l’objectif de l'étude clinique COVIDAir qui a permis d’installer le dispositif dans le centre de dépistage du Palais des Sports de Gerland pour tester jusqu'à 3300 patients.
L'obtention d'une méthode rapide, non-invasive et précise pour détecter la Covid-19 offrirait ainsi une solution adaptée à des développements à grande échelle et compatible avec l'environnement quotidien. De plus, cette methode n'étant pas limitée à l’analyse du souffle, le projet COVIDAir ouvre des perspectives prometteuses dans le diagnostic médical.
Cette approche pluridisciplinaire de recherche fondamentale et appliquée, résultat de liens étroits tissés entre laboratoires de recherche (IRCELYON/ISA/CIRI) et acteur industriel (TOFWERK), avec le soutien d'un organisme national de recherche (CNRS) et en s'appuyant sur un environnement hospitalo-universitaire privilégié à Lyon (HCL/Université Claude Bernard Lyon 1) démontre ainsi toute sa per?tinence pour répondre efficacement à l’enjeu sani?taire actuel.
1 Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon (IRCELYON - Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS)
2 Institut des sciences analytiques (ISA - Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS)