La mesure de la lumière per?ue par l’?il humain fête ses 300 ans !
Le réglage automatique de la luminosité de votre smartphone ou de votre ordinateur semble si naturel que vous n’y pensez même pas. Pourtant, bien avant l’invention des capteurs photoélectriques, on mesurait déjà la lumière… uniquement gr?ce à la perception visuelle, au moyen d’une méthode étonnamment ingénieuse mise au point par Pierre Bouguer il y a 300 ans ! ? l’occasion de la Fête des Lumières, Lionel Simonot, chercheur à l’Institut Lumière Matière (iLM), vous raconte l’histoire de la première mesure de la lumière comme la voit l’?il humain, appelée aussi mesure photométrique.
C’est la Fête des Lumières, l’un de nos chercheurs vous raconte une histoire… de lumière !
Dans son Essai d’optique sur la gradation de la lumière (1729), que Lionel Simonot, ma?tre de conférences à l’Université Lyon 1, a réédité et transposé en fran?ais contemporain, Pierre Bouguer pose les bases d’une science nouvelle : la mesure de la lumière telle que la per?oit l’?il humain. Découvrez ou redécouvrez cette histoire fascinante en quelques minutes.
Et la mesure de la lumière fut
Pourquoi fait-il plus chaud en été qu’en hiver ? C’est à cette question que Pierre Bouguer tente de répondre en 1725, partant de l’hypothèse que les différences de luminosité entre saisons en sont l’explication. Pour le démontrer, il a l’idée d’utiliser la vision humaine pour comparer des éclairements dans des conditions précises.
C’est ainsi que le 23 novembre 1725, au Croisic, Pierre Bouguer effectue, durant deux nuits consécutives, les premières mesures photométriques connues : laphotométrie est née.
Pierre Bouguer
Portrait de Pierre Bouguer par Jean-Baptiste Perronneau, via wikimedia commons
Mesurer l'hiver et l'été... gr?ce à la pleine Lune
Il était impossible pour Bouguer de comparer directement le Soleil d’hiver et d’été : trop lumineux, et six mois d’écart entre les mesures. Il utilise alors la pleine Lun à la place du Soleil.
En comparant la pleine Lune à quatre chandelles lors de deux nuits successives, il obtient que l’intensité lumineuse correspondant au solstice d’hiver vaut environ les deux tiers de celui correspondant au solstice d’été (voir détail de la méthode dans l’encadré).
Des chandelles à la candela
Si la méthode de Bouguer est révolutionnaire, elle ne trouve pas tout de suite d’application. Il faut attendre le XIX? siècle et l’essor de l’éclairage urbain pour que les principes de Bouguer soient repris. Ils servent alors à comparer précisément lampes à huile, à pétrole ou à gaz ; et ils aident à concevoir les premiers photomètres industriels, dont le modèle de Foucault (voir photo).
Lionel Simonot
Lionel Simonot "accompagné" du photomètre de Foucault, développé au XIX? siècle par Léon Foucault à la demande de la Ville de Paris pour comparer le pouvoir éclairant des différents becs à gaz destinés à l’éclairage public. Cet exemplaire appartient aux collections scientifiques de Lyon 1. ?photo : Eric Le Roux / Lyon 1
Mais ces comparaisons restent relatives : on mesure toujours une source par rapport à une autre. Or au XIX? siècle, l’étalon d'intensité lumineuse varie d’un pays à l’autre — une ? bougie ? fran?aise n’est pas une ? bougie ? allemande, et même les lampes à huile utilisées comme références manquent de stabilité. D’où le besoin d’un standard plus fiable et universel. C'est pourquoi en 1884, Jules Violle, alors professeur de physique à l’université de Lyon, propose un étalon fondé non plus sur une flamme, mais sur le rayonnement du platine porté à sa température de solidification.
Il faut attendre 1948 pour que soit adoptée la candela, une des sept unités de base du système international.
La photométrie reste aujourd’hui une discipline vivante, mobilisée pour analyser aussi bien la lumière émise que celle réfléchie, transmise ou diffusée par les matériaux. Lionel Simonot s’appuie sur ces principes pour explorer les propriétés optiques des matériaux du patrimoine et des ?uvres d’art, et comprendre leur apparence visuelle.
Mon travail se situe à l’interface entre optique, matériaux et sciences du patrimoine, avec pour objectif de mieux comprendre, préserver et valoriser ces objets culturels uniques
Publié le 2 décembre 2025–Mis à jour le 5 décembre 2025
Deux idées simples pour mesurer la lumière
Pour comparer la lumière comme la voit l’?il humain, Bouguer s’appuie sur deux principes :
L’?il sait comparer : il distingue facilement quelle source est plus lumineuse. La mesure consiste donc à égaliser visuellementdeux zones éclairées par une source inconnue et une source de référence, comme une bougie.
La lumière diminue avec la distance (l’éclairement baisse en inverse du carré de la distance): en mesurant les distances on obtient le rapport des intensités.